Si les cartouches magnétiques se révèlent être les dispositifs de stockage les plus fiables, les plus économiques et sur lesquels les facteurs de risques de détérioration sont parmi les plus faibles, leur tenue dans le temps n'est pas non plus due au hasard.
Les contraintes de stockage au quotidien et dans la durée nécessitent un soin tout particulier. Le plus important concerne le taux d'humidité et la température. En effet, la cartouche magnétique utilisée peut être faite de plusieurs manières et chaque composant de la chaîne compte, qu'il s'agisse du polymère, de la matière des particules magnétiques et du liant. Les différences hygrométriques et de température peuvent influer sur le comportement des particules (moisissures, phénomène d'hydrolyse, etc.), voire de la tenue mécanique (dilatation du polymère ou du liant, ou des deux pouvant influer sur la densité des particules magnétiques). Les températures de stockage correspondent à celles de caves froides (5 à 10°), celles d'usage à celles d'une température de travail idéale, soit 20°. Avec la dilatation du support par la chaleur, voire de composants de la cartouche, les risques peuvent être mécaniques. De la même façon, utiliser une cartouche trop froide peut aussi être néfaste.
Pour compléter le tableau des risques, celui qui n'est pas négligeable, mais qui doit être totalement éludé dans le cas d'une conservation professionnelle, c'est celui des champs magnétiques parasites ; inutile de stocker les cartouches à côté de haut-parleurs ou de câbles haute tension, ou près de câbles d'alimentation de bâtiments dont l'ampérage peut être très fort (une pince ampère métrique mesure le courant qui passe dans un câble, ce qui signifie que le champ magnétique n'est pas du tout négligeable). Enfin, le cas le moins catastrophique dans le cadre des cartouches de cartouches magnétiques est celui de la poussière et des salissures en général sauf cas le plus grave concernant les salissures : le fait que la cartouche se soit retrouvée noyée. Par ailleurs, lorsque c'est en cours d'utilisation qu'il y a des poussières et salissures, c’est qu'il y a un problème dans la manipulation ou dans le lecteur / enregistreur.
Dans tous les cas, même s'il s'est vu des exemples de conservation de cartouches sur plus de 60 ans (en analogique), à la vitesse à laquelle vont les technologies, une stratégie de conservation et de migration des supports est de mise pour s'assurer d'une sauvegarde réellement utile des données.
En matière d'informatique professionnelle, il y a deux grandes manières complémentaires de préserver les cartouches magnétiques : le faire physiquement et le faire sur le plan de l'intégrité de leur contenu dans la durée ; ce qui ne veut pas forcément dire la même chose puisqu'il s'agit alors de la gestion du cycle de vie du média et des données.
Pour la simple et bonne raison que l'existence d'une cartouche magnétique est intimement liée à la fiabilité de ce qu'elle contient comme informations, le bon usage de la préservation physique du support est le premier point déterminant à respecter. Plusieurs critères influent : le type de cartouche, sa fréquence d'utilisation, son stockage...
L'endroit et la qualité du stockage des cartouches est le premier risque. De la même façon qu'il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier, pour les cartouches magnétiques d'utilisation courante, il est important de disposer de plusieurs jeux de sauvegarde à des endroits différents ; à commencer par en avoir un loin de l'endroit où est situé le serveur.
Certes, si la cartouche magnétique est depuis longtemps le support le plus fiable à long terme lorsqu'il s'agit d'une utilisation en sauvegarde, puis en archive, c'est aussi parce que la cartouche n'est pas utilisée des centaines de milliers de fois en lecture/écriture : d'une part elle s'auto-protège physiquement par la superposition des couches de son enroulement, d'autre part elle n'est utilisée que quelques centaines de fois, et pas forcément toujours au même endroit lorsqu'on utilise la sauvegarde incrémentale.
Un des premiers conseils lorsqu'il s'agit d'archives, c'est de s'assurer que les cartouches ne peuvent plus être écrites, mais uniquement lues. Pour cela, il y a l'ergot ou le commutateur de protection contre l'écriture que l'on trouve sur toutes les cartouches magnétiques, et que l'on trouve aussi sur les cartes mémoire SD; en l'enclenchant, il est impossible d'écrire. C'est le même principe qui était utilisé sur les K7 audio et les K7 vidéo VHS : lorsque le petit ergot plastique était cassé, on ne pouvait plus effacer une cartouche. Il suffisait en revanche d'un petit bout de scotch pour retrouver la faculté d'écriture.
Notre quotidien a migré la plupart des usages grand public de la cartouche magnétique vers les CD, DVD, Blu-Ray, voire les disques durs et autres clés USB. Côté professionnel, la cartouche reste largement utilisée dès lors qu'il y a un serveur dans une entreprise. Du plus simple lecteur / enregistreur à la salle d'archives automatisée, en passant par le modèle capable de gérer plusieurs cartouches hebdomadaires, les solutions ne manquent pas et ne risquent pas de disparaître avec les nouvelles technologies qui annoncent des capacités record.
Il y a quelques mois, Sony annonçait avoir réussi en laboratoire à stocker 185 TB sur une cartouche magnétique. IBM et Fujifilm annoncent mieux avec un prototype capable de stocker 220 Téraoctets. Le stockage sur cartouche n'a pas fini d'avancer. En s'accordant sur ce qui a été transformé entre laboratoire et produit commercialisé ces dernières années, on peut imaginer ces bandes disponibles dans un peu moins de 10 ans !
Pour annoncer leur nouveau record, IBM et sa filiale Fujifilm Recording Media (FRM) annoncent pouvoir stocker le séquencement complet du génome humain de 220 personnes sur une seule cartouche de c magnétique. La capacité correspond à 88 fois le stockage de la cartouche LTO Ultrium 6 la plus évoluée de la gamme LTO, soit, effectivement 220 Téraoctets ! L'usage de ce type de bande est évidemment dédié à l'archivage dans un monde qui en a de plus en plus besoin avec la tendance à une totale dématérialisation dans les années à venir.
Pour commencer de manière relativement simple, les têtes de lecture de la cartouche ont été réduites par 11 depuis 2006, époque à laquelle l'équipe avait utilisé des têtes capables de lire et écrire des pistes de 1,5 µm pour obtenir 8 Téraoctets; dans cette réalisation, elles ne font plus que 0,14 µm (140 nm). Cela ne suffit évidemment pas. Il faut que le reste suive. Il a fallu augmenter la densité de bits/pouce(de longueur) : on est passé de 400.000 à 680.000 (123 milliards de bits/pouce²), soit 1,7 fois, ce qui donne alors pour la même longueur de bande 8 T X 11 x 1,7 , soit environ 150 Téraoctets.
Restait à faire tenir une bande plus longue dans le même encombrement : l'épaisseur a été réduite de 6,1 µm à 4,3 µm et a permis d'augmenter la longueur de 890 m à 1255 mètres. Avec un calcul brut, on tombe à environ 210 Téraoctets, donc un paramètre (ou plusieurs) indiqué par le constructeur n'est pas précis à 5% près.
Alors que la capacité de l'Ultrium 6 est de 2,5 TB, soit près de 100 fois moins que le prototype de laboratoire, on se rend compte que la complexité de mise en œuvre de ce genre de technologie nécessite d'énormes moyens de recherche et développement. Ce qui est un indice sur les possibilités futures et au vu de la capacité de miniaturisation et de précision mécanique qu'il reste encore à faire, on peut imaginer des cartouches d'une épaisseur réduite d'encore au moins 1 µm dans les quelques années à venir sans changer de technique de vaporisation de métaux dessus ni de densité, ce qui permettrait d'ajouter une centaine de Téraoctets sur le même encombrement de bande donc une bande d'environ 1900 m.
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Les services Ontrack dédiés aux archives sur bandes magnétiques